La crise Covid a mis en évidence un certain nombre de problèmes en matière de biosécurité dans les unités de soins. Il est devenu urgent pour les professionnels de la conception, construction et exploitation des établissements de santé de changer de paradigme sur le risque épidémique et biologique auquel sont exposés les personnels de ces infrastructures complexes que sont les hôpitaux.
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Nous trouvons encore aujourd’hui des traces physiques de lieux ayant servi à gérer des situations épidémiques. A l’image de l’abbaye de Saint Antoine en Isère, célèbre pour la prise en charge du « mal des ardents » causé par un parasite du seigle dans les farines. Certains de ces vestiges, aujourd’hui en ruines, illustrent pourtant une notion particulièrement intéressante : la complexité d’associer soin et biosécurité dans le cas d’une pathologie hautement infectieuse. L’hôpital Caroline sur l’archipel du Frioul au large de Marseille était un des Lazarets méditerranéens, érigé au XIXième siècle pour isoler, et le cas échéant soigner, les voyageurs venus d’Afrique du Nord pendant l’épidémie de Fièvre jaune.
Biosécurité pour la population
Le choix de ce site fut totalement technique et focalisé sur un seul objectif – la biosécurité de la population métropolitaine :
- L’archipel est particulièrement venté, l’hôpital est positionné pour un mistral frontal favorisant la ventilation naturelle des locaux et par conséquent la dilution des charges virales aéroportées[1].
- L’isolement par rapport à la population métropolitaine pour un usage exclusif pour les patients à risques infectieux sans risque de contaminer la population locale qui n’a effectivement aucun intérêt à venir s’y faire soigner pour des soins courants.
- Entouré par la mer, le lieu participe naturellement à la sûreté biologique par ses contraintes d’accès.
L’histoire nous montre ainsi comment des lieux, plus ou moins technologiquement évolués à leur époque, ont été dédiés pour prendre en charge des patients infectieux lors d’épidémies car il n’était pas possible de le faire sans risque dans des infrastructures conventionnelles.
Savoir tirer les lessons du passé.
La pandémie actuelle de COVID-19 a révélé au grand public l’impact sociétal et économique d’une épidémie. Pourtant, l’une des causes principales de cette déstabilisation était déjà bien connue depuis la première apparition d’un certain coronavirus : le SRAS.
C’est l’OMS qui, en 2003[2] précisait justement au sujet de cette première épidémie d’un coronavirus, l’exacte situation malheureusement répétée par la crise récente : « La capacité d’intervention insuffisante des hôpitaux et des systèmes de santé publique s’est avérée être un problème majeur […] principalement parce que les personnels de santé ont été les premières victimes de la maladie et se trouvaient en première ligne ».
Au 01/04/2021, les 52 636 soignants Français contaminés en établissement de soins[3] depuis le début de la crise COVID illustrent la difficulté de l’infrastructure hospitalière à protéger correctement son personnel vis-à-vis du risque infectieux en situation épidémique et ainsi maintenir sa continuité de ressources et de soins pour les autres patients.
La biosécurité, nouvelle donnée d’entrée pour la conception des hôpitaux de demain.
La figure ci-dessous illustre les fondements fonctionnels d’un hôpital. Ils sont la base de sa conception et de son exploitation : la fonction médicale et le confort du patient.

La fonction médicale consiste à apporter le soin convenablement et efficacement aux patients, c’est l’offre de soins. Le confort du patient regroupe la capacité à prendre en charge un patient dans de bonnes conditions pour sa santé, son bien-être. Bien maitrisés, ces fondements fonctionnels s’alimentent de manière vertueuse pour faire d’un établissement de soins un lieu de vie, de société, un hôpital idéal.
Cependant, en situation épidémique, nous avons vu que cet hôpital idéal ne protège pas suffisamment ses soignants. Ces derniers sont contaminés, malades donc moins nombreux, stressés de contaminer leurs proches et contraints d’utiliser des équipements de protection individuelle lourds et inconfortables. Les soins conventionnels sont déprogrammés. La fonction médicale est ainsi fortement impactée avant même de considérer le manque de matériel.
Pour le confort patient, ce n’est guère plus glorieux ; visites de familles interdites, locaux surchargés, chambres en mode dégradé, fenêtres ouvertes en période de canicule ou grands froids.
Il convient alors d’intégrer un troisième fondement fonctionnel à l’hôpital de demain : la biosécurité. En effet, le risque épidémique et biologique des soignants et de la communauté dans le cas d’un virus émergent ou d’une épidémie ne fait aujourd’hui absolument pas partie de la culture des acteurs de la conception, de la construction et de l’exploitation des établissements de soins.
La prise en compte de ce risque est pourtant obligatoire vis-à-vis du code du travail. L’article R.4221-1 à 3 fait obligation à l’employeur de capter à la source les « polluants biologiques » et de prendre des mesures physiques pour éviter tout transfert (ndlr : des polluants) aux locaux adjacents.
Se préparer pour demain
Notre société moderne catalyse l’émergence de nouveaux virus et leur dissémination mondiale. Réchauffement climatique (fonte du permafrost et découverte de nouveaux virus préhistoriques, migration d’insectes vecteurs, réduction des espaces naturels…), élevages intensifs, mouvements de population (crises humanitaires, échanges commerciaux intercontinentaux), menace bio-terroriste.
Il n’est pas aberrant de considérer que la prochaine épidémie pourra être pire que celle que nous vivons. Comme indiqué dans le tableau ci-contre, il y a un décalage fort sur la gestion du risque biologique entre le secteur du laboratoire et le monde du soin. Il est primordial de se garder d’un jugement de valeur, car les pratiques sont différentes. Toutefois, les chiffres de contamination du personnel soignant sont révélateurs de l’impératif d’amélioration.

Pourtant, appliquer strictement les contraintes d’infrastructures des laboratoires de sécurité biologique aux hôpitaux n’est pas la solution. Cela couterait une fortune à l’investissement (études, achats, surface foncière) et complexifierait l’exploitation (systèmes complexes, garantie de continuité, qualification, énergie…). La fonction médicale et le confort du patient seraient considérablement impactés : espaces contraints, bruits, isolement…
Sachons offrir les meilleures conditions possibles à tous ces soignants à qui nous devons plus que des applaudissements.
Guillaume RIBOT. ASPIDA
Comment offrir des solutions sûres, bio-sécurisées et pragmatiques, tout en simplifiant les infrastructures hospitalières, sans impacter le quotidien d’un système de santé déjà tellement sous contrainte financière et organisationnelle ? Challenge osé mais nécessaire, dont la finalité ultime est de sauver des vies. Sachons offrir les meilleures conditions possibles à tous ces soignants pour qui nous devons plus que des applaudissements.
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